Par le Père Antoine Vairon
L’actualité de notre pays a été marquée par le débat sur la fin de vie et par le vote en première lecture à l’Assemblée Nationale mardi d’un « droit à l’aide à mourir ».
Au-delà des importantes et sensibles questions sur l’accompagnement de la ‘fin de vie’, sur les enjeux personnels et familiaux, mais également pour toute une société, comme le rappelaient les évêques et les responsables des religions dans notre pays ces jours-ci, ces débats ravivent la question du sens de notre vie. Vers quel avenir avançons-nous ? Quel est mon avenir personnel ?
Peut-être n’est-il pas neutre pour nous que ces questions d’actualité se déroulent pour les chrétiens que nous sommes dans le temps de Pâques. Quarante jours après avoir célébré la Résurrection, nous venons de faire mémoire jeudi de l’Ascension de Jésus. Fêtes rituelles ou annonces audacieuses dans notre société dont le matérialisme a bouché l’horizon ? Pour nombre de nos contemporains, la mort se présente comme la frontière aussi inéluctable que définitive. Derrière ?… rien. Le néant de la personne qui n’est préservée de l’oubli que par des lieux de mémoire (si ceux-ci n’ont pas été bannis par la pratique de la dispersion des cendres) et par les souvenirs personnels qui ne manqueront pas de s’effacer ; c’est une question d’années, au mieux de quelques générations. La pensée matérialiste n’a aucune espérance à offrir aux individus. Pire, elle les a privés de l’espérance qui leur avait été dévoilée.
Chrétiens, nous avons à nous faire les aide-mémoires de « l’espérance qui ne déçoit pas » (St Paul). De l’espérance qui ne nous laisse pas comme seul horizon la dégradation corporelle ou mentale.
Aux « directives anticipées » qui concernent les traitements à poursuivre ou non, Saint Jean-Paul II a apporté une autre dimension dans la « prière d’Offrande à la Miséricorde » que l’on a retrouvée après sa mort, et dont voici les deux derniers paragraphes :
Seigneur, aujourd’hui même, tandis que je jouis de la possession de toutes mes facultés motrices et mentales, je T’offre à l’avance mon acceptation à ta sainte volonté, et dès maintenant je veux que si l’une ou l’autre de ces épreuves m’arrivait [handicap, perte des facultés mentales,…], elle puisse servir à ta gloire et au salut des âmes. Dès maintenant aussi, je Te demande de soutenir de ta grâce les personnes qui auraient la tâche ingrate de me venir en aide.
Si, un jour, la maladie devait envahir mon cerveau et anéantir ma lucidité, déjà, Seigneur, ma soumission est devant Toi et se poursuivra en une silencieuse adoration.
Si, un jour, un état d’inconscience prolongée devait me terrasser, je veux que chacune de ces heures que j’aurai à vivre soit une suite ininterrompue d’actions de grâce et que mon dernier soupir soit aussi un soupir d’amour. Mon âme, guidée à cet instant par la main de Marie, se présentera devant Toi pour chanter tes louanges éternellement.
Même à travers la faiblesse lucidement envisagée se profile un autre horizon, celui de la vie en plénitude, de cette vie éternelle qui est l’objet de notre Foi.
Aux parents présentant leur bébé, à l’adulte ayant (enfin) découvert le Christ, est posée la question au moment de l’entrée en Eglise qui précède le baptême : « Que demandez-vous à l’Eglise de Dieu ? – La Foi. – Et que vous apporte la Foi ? – La vie éternelle ! ».
Benoît XVI nous avait offert une très belle méditation de la réflexion sur la vie éternelle dans son Encyclique Spe Salvi (‘sauvés en Espérance’). Il en parlait comme de cette réalité « connue inconnue », toujours difficile à percevoir, justement pour ne pas la réduire à notre expérience présente, marquée de souffrances et de déceptions ; comme ce plongeon dans l’amour infini de Dieu qui nous fera devenir réellement nous-même.
L’horizon de notre existence n’est pas la « fin de vie », mais bien l’entrée dans la Communion du Père éternel qui nous a envoyé son Fils pour que nous osions croire à cet accès possible.
Demandons à l’Esprit de Vérité, qui doit nous « conduire à la vérité tout entière », d’être porteurs de l’espérance de la vie en Dieu par-delà la mort, pour que notre regard sur les personnes, leurs fragilités, les actes que nous posons dans le temps présent, soient éclairés par cet horizon non de mort, mais de lumière.