Par le Père Arthur Masini
En célébrant la Sainte Trinité, l’Église confesse le cœur même de la Révélation chrétienne : Dieu est un en essence, mais non solitaire. Il est Père, Fils et Esprit Saint, trois Personnes dans une seule et même divinité, vivant de toute éternité dans une communion parfaite d’amour.
Ce mystère, que les conciles œcuméniques du IVe siècle ont formulé avec précision, trouve déjà un écho profond chez les Pères apostoliques, et notamment chez saint Irénée de Lyon, témoin éminent de la Tradition vivante de l’Église au IIe siècle. Dans son œuvre majeure Contre les hérésies, Irénée écrit cette image saisissante : « Le Verbe et l’Esprit sont les deux mains du Père » (Adversus Haereses, IV, 20,1).
Par cette expression, Irénée souligne que le Dieu unique n’agit jamais seul. Le Père crée, révèle et sauve par son Fils et dans l’Esprit. Loin d’être des intermédiaires ou de simples envoyés, le Verbe (le Fils) et le Souffle (l’Esprit) participent pleinement à la divinité du Père. Ainsi, dès les origines, l’Église a compris que l’économie du salut — la manière dont Dieu agit dans le monde — reflète la vie intime de Dieu lui-même : un Dieu communion, un Dieu relation.
Cette pensée d’Irénée est profondément trinitaire, même s’il ne parle pas encore en termes de « Personnes ». Elle permet d’unifier le mystère : le même Dieu qui nous a créés dans le Christ et qui nous recrée par l’Esprit est le Dieu unique, vivant de trois manières distinctes, mais inséparables. Irénée ancre ainsi la Trinité non dans une spéculation, mais dans l’expérience du salut. Nous connaissons Dieu tel qu’il s’est donné à voir et à toucher : le Père dans le Fils incarné, le Fils dans l’Esprit répandu.
Dans un monde souvent tenté de séparer le spirituel du concret, la Trinité nous rappelle que Dieu n’est pas une abstraction mais un Amour agissant, unité dynamique qui vient à notre rencontre. En honorant le Père, nous glorifions le Fils et recevons l’Esprit ; en vivant dans l’Esprit, nous sommes conduits au Fils, et par Lui, au Père.
Contempler la Trinité avec Irénée, c’est confesser un Dieu qui agit avec “deux mains”, pour nous créer, nous sauver, et nous introduire dans la communion de sa propre vie. C’est découvrir que ce mystère n’est pas un lointain secret, mais notre destinée éternelle.